Zambie : transformer l’intention en investissement, une stratégie de financement pour la résilience économique des femmes
Le rapport d’analyse de genre sur la gestion des risques de catastrophes (GRC) en Zambie révèle un constat familier sur le continent : malgré l’existence de cadres politiques favorables à l’égalité des genres et à la GRC, le financement des interventions intégrant le genre est « ad hoc et irrégulier ». Le pays est fortement dépendant de l’agriculture pluviale, ce qui le rend particulièrement vulnérable aux chocs climatiques, affectant de manière disproportionnée les femmes, principales actrices de cette économie. Cet article, s’appuyant sur les évidences du rapport et les dynamiques économiques zambiennes, propose une architecture de financement intégrée pour faire de la politique genre un moteur de la résilience et de l’émergence nationale.
Diagnostic économique : dépendance agricole, financement fragile et inégalités persistantes
Contexte Macroéconomique : Une Croissance Vulnérable et un Manque de Financement National
L’économie zambienne est dominée par l’agriculture, qui contribue de manière significative au PIB, mais elle est surtout dépendante de l’aide internationale pour la GRC. Le pays est fortement exposé aux sécheresses et aux inondations, ce qui entraîne des pertes économiques substantielles. Le rapport souligne l’existence de fonds dédiés à la gestion des catastrophes, mais leur financement est insuffisant et dépendant des urgences, ne permettant pas une planification à long terme et une intégration systématique du genre. La Budgétisation Sensible au Genre (BSG) est reconnue mais son application reste limitée et non contraignante.
Contexte Microéconomique : Les Femmes, Actrices Essentielles mais Sous-Dotées
Les femmes sont au cœur de l’économie rurale et agricole en Zambie, représentant 70% des travailleurs agricoles et étant les principales productrices de la plupart des cultures de base. Cependant, elles sont confrontées à des barrières structurelles sévères : accès limité et discriminatoire à la terre, au crédit formel, aux intrants agricoles, à la formation et aux technologies. Ces inégalités sont exacerbées par les chocs climatiques, qui augmentent leur charge de travail et leur précarité. Le rapport mentionne la vulnérabilité des ménages dirigés par des femmes et leur rôle crucial dans la sécurité alimentaire. Des projets comme le Social Cash Transfer (SCT) programme ont démontré l’efficacité des transferts monétaires directs pour les femmes.
Proposition de solution de financement : ancrer, amplifier, autonomiser
La solution doit s’appuyer sur la reconnaissance du rôle des femmes pour institutionnaliser et pérenniser le financement de la politique genre dans la résilience.
Niveau macroéconomique : un fonds national de résilience inclusif et une BSG obligatoire
L’objectif est de créer un mécanisme de financement stable et de le rendre systématiquement sensible au genre.
Action : Établir un "Fonds National de Résilience Inclusif" et rendre la Budgétisation Sensible au Genre (BSG) obligatoire dans les secteurs clés.
Principe économique : La création d’un fonds souverain réduit la dépendance et permet une planification proactive. La BSG transforme les dépenses publiques en leviers d’égalité et d’efficacité.
Mise en œuvre :
- Réaffectation et augmentation des fonds existants : Consolider les fonds existants pour la GRC dans un "Fonds National de Résilience Inclusif", alimenté par des dotations budgétaires annuelles garanties par l’État (par exemple, 0,5 % du PIB ou un pourcentage fixe des revenus miniers), et des contributions des PTF.
- Légaliser et rendre contraignante la BSG : Intégrer la BSG dans la Loi de finances et exiger que les ministères clés (Agriculture, Genre, Environnement, GRC) soumettent des budgets explicitement sensibles au genre, avec des indicateurs de performance mesurables.
- Allouer un pourcentage minimum (ex : 15-20%) du Fonds National de Résilience Inclusif à des programmes et projets spécifiquement conçus pour renforcer la résilience des femmes.
Justification économique : Cela réduit la volatilité des financements, diminue la dépendance externe et assure que les fonds sont utilisés de manière plus équitable et plus efficiente, générant un meilleur retour sur investissement social et économique.
Niveau mésoéconomique : plateformes de micro-assurance et Partenariats Public-Privé
L’objectif est de mutualiser les risques et de mobiliser le secteur privé et les PTF de manière coordonnée.
Action : Développer des partenariats Public-Privé (PPP) pour des produits de micro-assurance climatique et l’accès aux intrants résilients pour les femmes.
Principe économique : L’assurance protège le capital productif. Les PPP et la micro-assurance atteignent les populations à faible revenu.
Mise en œuvre :
- Partenariat avec des assureurs locaux et internationaux pour concevoir des produits d’assurance indicielle (basés sur les pluies, les températures) adaptés aux petites exploitantes agricoles, avec des primes abordables et subventionnées par le Fonds National.
- Faciliter l’accès aux intrants agricoles résilients : Mettre en place des subventions ciblées pour les femmes agricoles afin qu’elles puissent acheter des semences résistantes à la sécheresse, des équipements d’irrigation efficaces, via des mécanismes de bons ou des coopératives.
- Renforcer la coordination des PTF : Établir une plateforme nationale avec le gouvernement et les PTF pour harmoniser les financements externes en faveur de l’égalité des genres et de la résilience, afin d’éviter le caractère "ad hoc" actuel.
Justification économique : Cela réduit les pertes post-choc, stabilise les revenus, augmente la productivité agricole des femmes et attire des investissements privés dans des solutions climato-intelligentes.
Niveau microéconomique : capitaliser sur les transferts monétaires et le leadership féminin
L’objectif est de renforcer directement le capital humain et financier des femmes au niveau communautaire.
Action : Étendre et renforcer les programmes de transferts monétaires "Cash-Plus" et soutenir les groupes d’épargne féminins.
Principe économique : Les transferts monétaires offrent une protection immédiate. Le "Cash-Plus" investit dans le capital humain. Les groupes d’épargne construisent une résilience financière autonome.
Mise en œuvre :
- Mettre à l’échelle le Social Cash Transfer (SCT) programme en y intégrant une composante "Cash-Plus-Formation" pour les femmes. Les transferts seraient conditionnés à des formations en agriculture résiliente, gestion de petites entreprises ou technologies vertes. Le rapport note l’efficacité des SCT pour les femmes.
- Appuyer les groupes d’épargne et de prêts (VSLAs) féminins : Fournir des formations en gestion financière, en accès aux marchés et en lien avec des institutions de microfinance pour consolider leur autonomie financière. Ces groupes peuvent devenir des hubs locaux pour la distribution d’informations et de services de résilience.
- Promouvoir les "gardens de nutrition" : Le rapport mentionne des projets de jardins nutritionnels pour les femmes. Les financer et les étendre à l’échelle nationale, en les intégrant aux programmes de sécurité alimentaire.
Justification économique : Cela améliore la sécurité alimentaire et nutritionnelle, réduit la pauvreté, stimule l’entrepreneuriat féminin et renforce la capacité d’adaptation des ménages face aux chocs.
Conclusion : le genre, un investissement stratégique pour l’avenir de la Zambie
La Zambie a l’opportunité de transformer ses défis climatiques et ses inégalités de genre en un moteur de développement. En mettant en place une architecture de financement intégrée – avec un Fonds National de Résilience Inclusif et une BSG obligatoire au niveau macro, des PPP et micro-assurances au niveau méso, et des programmes "Cash-Plus" et de soutien aux groupes d’épargne au niveau micro – le pays peut construire une résilience durable. Investir dans l’autonomisation économique des femmes n’est pas seulement un impératif éthique, c’est la stratégie la plus judicieuse pour garantir un avenir stable, prospère et équitable pour tous les Zambiens.
