Mozambique : Au cœur de la vulnérabilité climatique, bâtir la résilience des femmes par un financement intégré
Le rapport d’analyse de genre sur la gestion des risques de catastrophes (GRC) au Mozambique dépeint une réalité alarmante : le pays est parmi les plus exposés aux événements climatiques extrêmes en Afrique (cyclones, inondations, sécheresses), et cette vulnérabilité est exacerbée par une pauvreté généralisée et des inégalités de genre profondes. Si des politiques nationales et des cadres légaux existent pour le genre et la GRC, leur financement reste << insuffisant, non systématique et dépendant de l’aide extérieure ». Cet article, s’appuyant sur les évidences du rapport et les dynamiques économiques mozambicaines, propose une architecture de financement intégrée pour transformer la politique genre d’une intention à un investissement stratégique, faisant des femmes les actrices centrales d’une résilience nationale durable.
Diagnostic économique : une vulnérabilité structurelle et des omissions coûteuses
Contexte macroéconomique : une économie fragile et une GRC sous-financée
L’économie mozambicaine, bien qu’ayant un potentiel dans les ressources naturelles, est structurellement fragile, avec une majorité de la population vivant sous le seuil de pauvreté et une forte dépendance à l’agriculture de subsistance. Le pays est en première ligne des effets du changement climatique, subissant des chocs dévastateurs. Malgré l’existence d’une Stratégie Nationale de GRC et d’un Fonds pour la Gestion des Catastrophes, le financement de la GRC est principalement réactif, dépendant de l’aide humanitaire internationale, et son intégration avec les politiques de genre est quasi inexistante. Le rapport souligne l’absence de Budgétisation Sensible au Genre (BSG) dans les cadres de planification et de financement des risques.
Contexte microéconomique : les femmes, première ligne de la résilience, dernière servie
Les femmes sont la colonne vertébrale de l’agriculture de subsistance et du secteur informel au Mozambique. Cependant, elles sont confrontées à des inégalités criantes en matière d’accès à la terre, au crédit, à l’éducation, à l’information et aux technologies. Ces barrières sont aggravées par le fait que les femmes sont souvent exclues des processus de décision locaux sur la GRC. Lors de catastrophes, elles subissent une charge de travail accrue, des risques accrus de violence et une perte totale de leurs moyens de subsistance. Le rapport pointe du doigt le manque de soutien financier et de programmes ciblés pour les femmes, qui sont pourtant des actrices clés dans la préparation et la réponse au niveau communautaire.
Proposition de solution de financement : ancrer, canaliser, autonomiser
La solution doit s’appuyer sur la reconnaissance de la vulnérabilité unique du Mozambique pour créer un système de financement de la GRC qui intègre intrinsèquement les besoins et le potentiel des femmes.
Niveau macroéconomique : un fonds national d’adaptation et une BSG institutionnalisée
L’objectif est de transformer le financement de la GRC d’une approche réactive à une approche proactive, ancrée dans l’équité.
Action : Opérationnaliser le Fonds National pour la Gestion des Catastrophes (FGC) et le transformer en "Fonds National d’Adaptation et de Résilience Inclusif", avec une Budgétisation Sensible au Genre (BSG) obligatoire.
Principe économique : Transformer un fonds existant mais sous-utilisé en un instrument stratégique, réduisant la dépendance externe et intégrant la BSG pour optimiser l’efficacité.
Mise en œuvre :
- Révision du mandat du FGC : Étendre son rôle de la seule réponse à la prévention, l’adaptation et la reconstruction sensible au genre.
- Dotation pérenne du Fonds : Créer des sources de revenus stables (ex : 1% des revenus des ressources extractives, taxe climatique sur les industries polluantes, participation budgétaire annuelle garantie).
- Légaliser et rendre contraignante la BSG : Intégrer des dispositions de BSG dans la loi de GRC révisée et dans la Loi de finances, avec des objectifs de dépenses pour les programmes genre-GRC, des indicateurs de performance et des mécanismes de redevabilité.
- Créer une "Fenêtre Genre et Adaptation" au sein du Fonds, dédiée au financement d’initiatives menées par ou pour les femmes.
Justification économique : Un financement national stable et sensible au genre réduit les pertes économiques des catastrophes, diminue les coûts de l’aide humanitaire et assure que chaque investissement public renforce l’équité, ce qui est un facteur clé de résilience à long terme.
Niveau mésoéconomique : assurances climatiques communautaires et PPP de résilience
L’objectif est de mutualiser les risques à l’échelle locale et de mobiliser des capitaux supplémentaires.
Action : Développer des Partenariats Public-Privé (PPP) pour des produits de micro-assurance indicielle climatique et des fonds de garantie ciblés sur les femmes.
Principe économique : L’assurance transfère le risque. Les PPP mobilisent le secteur privé. Les fonds de garantie réduisent le risque perçu du crédit pour les femmes.
Mise en œuvre :
- Partenariat avec des assureurs locaux/internationaux pour concevoir des produits de micro-assurance indicielle (basés sur les pluies, la température) adaptés aux petites exploitantes agricoles, avec des primes subventionnées par le Fonds National d’Adaptation.
- Mettre en place un Fonds de Garantie géré par des institutions de microfinance, pour faciliter l’accès des femmes aux crédits pour l’acquisition de technologies résilientes (semences, irrigation) et pour le redémarrage d’activités économiques post-catastrophe.
- Engager les entreprises du secteur extractif (minier, gazier) dans des PPP pour le financement de projets de GRC sensibles au genre dans leurs zones d’opération, avec des critères stricts de performance genre.
Justification économique :]] Cela protège les moyens de subsistance des femmes, stimule l’investissement local dans la résilience, réduit la dépendance aux aides post-catastrophe et crée des synergies entre les acteurs publics et privés.
Niveau microéconomique : renforcer le capital humain et financier des femmes
L’objectif est d’autonomiser directement les femmes et de renforcer leurs capacités locales.
Action : Étendre les programmes de transferts monétaires "Cash-Plus" et soutenir les organisations communautaires de femmes (OCF) dans des initiatives de résilience.
Principe économique : Les transferts monétaires fournissent un filet de sécurité immédiat. Le "Cash-Plus" (argent + formation) développe les compétences. Les OCF sont des agents de changement locaux.
Mise en œuvre :
- Déployer des programmes "Cash-Plus-Renforcement des Capacités" : Des transferts monétaires d’urgence ou de subsistance seraient liés à des formations en agriculture climato-intelligente, en gestion des ressources naturelles, en gestion de petites entreprises ou en confection de kits de dignité pour les situations d’urgence. Le rapport souligne que les femmes sont "moins informées sur les alertes précoces" et ont besoin de "formation aux activités génératrices de revenus".
- Financer directement les OCF : Utiliser le Fonds National d’Adaptation pour octroyer des micro-subventions aux organisations de femmes qui mènent des projets de résilience (jardins communautaires, systèmes d’alerte précoce gérés par des femmes, transformation de produits agricoles).
- Renforcer les capacités de leadership des femmes : Former les femmes à la prise de décision et à la participation dans les comités de GRC locaux, afin qu’elles puissent influencer l’allocation des ressources et la conception des réponses.
Justification économique : Cela améliore la sécurité alimentaire, réduit la pauvreté, augmente la productivité et la capacité d’adaptation des ménages, et stimule le développement local par des solutions endogènes.
Conclusion : le Mozambique, vers une résilience inclusive et autonome
Le Mozambique, confronté à l’urgence climatique, a l’opportunité de transformer ce défi en un moteur de développement inclusif. En ancrant le financement du genre dans une stratégie de GRC proactive – via un Fonds national d’adaptation doté de la BSG, des PPP pour l’assurance climatique, et des investissements ciblés dans le capital humain et entrepreneurial des femmes – le pays peut construire une résilience durable. Faire des femmes des actrices économiques autonomes et résilientes n’est pas seulement une question d’équité ; c’est un impératif économique pour garantir un avenir stable, prospère et juste pour tous les Mozambicains.
