Malawi : Ancrer le financement du genre dans la résilience nationale
Le rapport d’analyse sur le genre et la gestion des risques de catastrophes (GRC) au Malawi dresse un constat clair : malgré des cadres politiques en évolution, le financement des activités intégrant le genre reste « ad hoc, intermittent et très limité ». Cette lacune n’est pas seulement un frein à l’égalité, mais un obstacle majeur à la résilience économique d’une nation dont l’agriculture, majoritairement portée par les femmes, est l’épine dorsale. En s’appuyant sur les recommandations et les dynamiques locales identifiées dans le rapport, cet article propose une architecture de financement pragmatique et intégrée pour faire de l’égalité des genres le moteur de la résilience du Malawi.
Le Diagnostic : Une dépendance agricole et un financement précaire
L’économie du Malawi est fortement dépendante d’une agriculture pluviale qui, bien que contribuant de manière significative au PIB, est extrêmement vulnérable aux chocs climatiques. Sur le plan macroéconomique, la réponse de l’État aux catastrophes repose sur une ligne budgétaire pour les imprévus s’élevant à environ 2% du budget national, notoirement insuffisante et rendant le pays fortement dépendant de l’aide extérieure.
Au niveau microéconomique, 84% de la population vit en zone rurale et dépend de l’agriculture de subsistance, une activité largement menée par les femmes. Cependant, les normes patriarcales limitent leur contrôle sur les actifs et les décisions. Le rapport est formel : le Ministère du Genre et l’agence de GRC (DoDMA) ne disposent pas de ligne budgétaire spécifique pour intégrer le genre dans leurs actions. Ce sous-investissement chronique maintient les femmes, pourtant au cœur de l’économie rurale, dans un état de vulnérabilité accrue.
La solution : Une architecture de financement ancrée dans le réel
La solution ne réside pas dans la création de systèmes parallèles, mais dans l’intégration du genre au sein des mécanismes existants et émergents, à trois niveaux.
- À l’échelle macroéconomique : Fléchage budgétaire et volonté politique
La proposition la plus structurante du rapport est de sanctuariser le financement du genre. Le nouveau projet de loi sur la GRC prévoit la création d’un fonds national pour les catastrophes. La recommandation clé est de faire pression pour qu’une allocation de 5% de ce futur fonds soit dédiée au soutien de l’institutionnalisation et de l’intégration du genre dans la GRC à tous les niveaux.
Cette approche de fléchage budgétaire est une application directe de la budgétisation sensible au genre. Elle garantit des ressources prévisibles et suffisantes, transformant une intention politique en une capacité d’action concrète et mesurable pour les ministères et les structures locales.
- À l’échelle mésoéconomique : Structurer la finance communautaire via les VSL
Le rapport identifie une innovation financière locale d’une importance capitale : les Associations Villageoises d’Épargne et de Crédit (VSL, ou "Banki M’khonde"). Décrites comme un « passeport pour l’indépendance économique », ces associations sont massivement fréquentées par les femmes et constituent une source de services financiers informelle mais très bien coordonnée.
La stratégie consiste à renforcer et à connecter cet écosystème. Le rapport recommande de prioriser le renforcement des VSL dans les stratégies de relèvement. Il suggère également de créer des liens innovants entre les VSL et l’assurance climatique, afin de rendre les primes abordables pour les agricultrices et d’augmenter l’adoption de ces produits, actuellement faible. Des programmes nationaux comme le Fonds National d’Autonomisation Économique (NEEF) pourraient être mobilisés pour soutenir et recapitaliser ces structures.
- À l’échelle microéconomique : Capitaliser sur l’action locale
L’investissement doit atteindre directement les femmes et les communautés. Le rapport préconise des actions concrètes pour surmonter la capacité financière limitée des membres de la communauté à restaurer leurs activités.
Une recommandation innovante est de fournir un soutien financier direct, comme un "renflouement en espèces de 200 000 kwachas minimum aux VSL" après une crise, pour leur permettre de se reconstituer et de continuer à financer les activités de leurs membres. Ce capital de départ, combiné au renforcement des compétences techniques des femmes et des jeunes, leur donne les moyens de "mieux reconstruire".
Conclusion : Une opportunité stratégique pour le Malawi
Le Malawi se trouve à un carrefour. Le futur fonds national pour les catastrophes offre une opportunité historique d’institutionnaliser le financement du genre au plus haut niveau. En parallèle, le succès avéré des VSL constitue un levier communautaire puissant et déjà fonctionnel. En combinant une volonté politique macroéconomique (le fléchage de 5%), une ingénierie financière mésoéconomique (le lien VSL-assurance) et un soutien microéconomique direct, le Malawi peut construire un modèle de financement de la résilience qui non seulement protège ses citoyens, mais qui s’appuie sur le pouvoir économique des femmes pour assurer un développement durable et équitable.